METRIQUE DES VOIES ANTIQUES
Au fil des ans, cette méthode d'analyse des itinéraires antiques s'est perfectionnée et affinée. Elle se résume aux phases principales suivantes :
- Mise en tableau de concordances du tracé tel qu'il figure sur le document.
- Affichage des équivalences kilométrique en fonction des unités possibles, en tenant compte des arrondis de +/- 0,5 unité. - On obtient ainsi les différentes plages d'incertitude. Détermination de la distance réelle, entre chaque station, tenant compte des points de départ et d'arrivée ainsi que du cheminement le plus probable.
- Mise en évidence des concordance et discordances, entre la longueur de chaque segment et la plage d'incertitude correspondante. Des plages colorées facilitent la visualisation des résultats.
- Analyse des discordances. Hypothèse de correction, Application, Vérification et recherche d'une autre hypothèse si
la concordance n'est toujours pas établie.
Lorsque tous les segments sont concordants, analyse d'un éventuel changement d'unité au cours du tracé (passage fines, changement de province ou de civitas ?). Si l'ensemble de ces points a bien été traité et avec succès, on peut considérer que l'itinéraire concerné est parfaitement résolu.
Connaissance précise du tracé.
Pourtant, malgré la plus extrême rigueur, nous ne pouvons avoir la certitude que nos résultats correspondent totalement à la réalité de la voie antique. Deux causes fondamentales peuvent obérer la précision de nos résultats : surtout en zone topographiquement tourmentée, tant qu'une étude de synthèse du tracé de cette voie n'a pas été établie, on se trouve dans l'obligation de formuler des hypothèses relatives au tracé ainsi qu'aux distances précises. La voie passe forcément entre A et B, ses points de départ et d'aboutissement. Mais dans l'enchevêtrement de nombreuses petites vallées, lesquelles étaient réellement empruntées par la voie ? Seule la patiente compilation de toutes les constatations locales, qu'elle soit le fait des sociétés archéologiques régionales où celle d'un chercheur particulièrement motivé, permettrait peut-être d'apporter une réponse.
Connaissance de la distance réelle.
Qui est capable de répondre à cette question simple : "Quelle est la longueur de la voie romaine entre Périgueux et Agen ? La réponse à cette question (disons à un hectomètre près) implique en effet la parfaite connaissance de deux éléments essentiels : les points de départ et d'arrivée de la voie et son tracé précis. Nos travaux sont basés sur des suppositions. Plausibles, certes, mais pas toujours attestées par des fouilles et des découvertes indiscutables. Il est des régions, le Limousin en est un exemple, où malgré des études remarquables sur certains segments , les informations relatives aux distances sont très fragmentaires, voire inexistantes.
Paradoxalement, dans cette étude consacrée à la métrique des voies antiques, c'est l'élément de référence, la distance séparant les stations, qui est la plus difficile à obtenir !
Les erreurs de recopie
Sur certains parcours, le nombre d'erreurs est absolument stupéfiant. Un seul exemple, déjà traité, le démontrera : l'Itinéraire d'Antonin "De Aquitania in Gallias" , soit de Bordeaux à Argenton-sur-Creuse. Noter les énormes différences avec la Table de Peutinger et l'absolue nécessité de faire des corrections :
Itinéraire |
Antonin |
Peutinger |
Corrections |
Conclusions |
Burdigala-Sirione |
XV |
X |
XV |
A = Pas de corrections |
Sirione-Ussubium (Vesubio) |
XX |
XX |
XXV |
Corrigé |
Ussubium-Fines |
XXIIII |
XX |
VII |
Corrigé |
Fines-Aginnum |
XV |
XV |
XV |
Pas de corrections |
Aginnum-Excisum |
XIII |
XIII |
XII |
Corrigé |
Excisum-Trajectus |
XXI |
Pas mentionné |
XXV |
Corrigé |
Trajectus-Vesonna |
XVIII |
Pas mentionné |
XXI |
Corrigé |
Vesonna-Fines |
XXI |
XIIII |
XIIII |
Corrigé |
Fines-Augustoritum |
XXVIII |
XIIII |
XXVIII |
A = Pas de corrections |
Augustoritum-Fines ? |
XXI |
XIIII |
XLI |
Corrigé |
Fines ?-Argantomago |
XXIIII |
Sur 10 segments, 7 ont dû être corrigés... 70 % d'erreurs de recopie !
On comprend mieux pourquoi les auteurs qui tentent de faire coïncider la réalité géographique avec les sacro-saints chiffres, aboutissent souvent à des résultats décevants. Parfois, ce sont nos erreurs qui sont en cause, lors de transcriptions ! Et malgré nos vérifications nous restons persuadés qu'il peut en subsister encore. Mais qu'il s'agisse des nôtres ou bien de celles des textes et cartes antiques, toutes obéissent à une logique formelle dont elles ne dérogent jamais !
Logique de l'erreur. En voici les principales lois simples.
Des signes identiques sont ajoutés ou retranchés à la copie : XVIII pour XVIIII, XXIII pour XXII etc
Confusion très fréquente entre X et V, en fonction de la hauteur du point de croisement des branches.
Plus rarement, confusion sur des chiffres peu fréquemment rencontrés, avec un chiffre courant dans chaque mention : LII sera copié XII.
Erreur
de positionnement sur la ligne à la lecture et/ou à l'écriture.
En dessus ou en dessous de la ligne, à droite ou à gauche
du mot concerné, sur une ligne différente si la place manque.
C'est ce qui
est un peu rassurant et permet de croire en la possibilité de leur
éradication au prix de vérifications très minutieuses.
La
rémanence topographique
La rémanence topographique est chargée de promesses, mais elle possède aussi ses limitations. Nous en voulons pour preuve le cas de la voie d'Agrippa, de Lyon à Saintes. Avant son arrivée à Mediolanum santonum, entre Saint-Cybardeaux et Saintes, elle présente une magnifique ligne droite d'une trentaine de kilomètres. Deux bornes milliaires , peut-être anépigraphes, y sont même attestées, mais s'agit-il bien des bornes milliaires ? En effet, toutes nos tentative d'identification d'un module répétitif ont été négatives sur ce segment ! Alors, bornes déplacées ? bornes médiévales sans rapport avec la métrique de la voie ? Cette voie constitue pourtant l'archétype de la voie romaine en Gaule : parfaitement rectiligne, elle commande et ordonne le parcellaire et le paysage agricole, témoignant ainsi de son antériorité. Mais était-elle bornée ? Et demain ? La voie est toute tracée : continuation des recensements et de l'analyse de la métrique des voies. A partir de cette matière première, analyse thématique de la répartition des différents types de lieues et peut-être pourrons-nous extraire de nouvelles information de ce réseau routier...
Milliaires
en mosaïque... Les
milliaires, têtes de pont ? Les
milliaires, têtes de pont, têtes de voies. Mais bien
sûr, et une illustration de ce propos réside dans
la splendide mosaïque du port d'Ostie représentant
le pont des Nautes, à Arles, sur le Rhône. Aux extrémités
de ce pont de bateaux, on distingue très nettement les
milliaires, "têtes de pont, têtes de voies".
Tableau
synthétique de voies gallo-romaines du Sud-Ouest
Le but de cette représentation est de matérialiser un certain état de nos recherches. Il ne s'agit en aucune façon d'un document géographique. Le confort et la lisibilité du dessin ayant toujours primés, il s'est seulement agi d'indiquer la position approximative et relative des stations traitées, les distances les plus probables et le rappel des indications correspondantes des différents documents antiques, corrigées en fonction des résultats de l'étude. Nulle exhaustivité n'est attendue : c'est le constat d'un stade intermédiaire susceptible de nombreuses évolutions. La différence essentielle avec d'autres document réside dans :
Les distances indiquées sont relevées au curvimètre, sur carte à grande échelle, en fonction des hypothèses de localisation des points de départ et d'arrivée et représentent ce que nous avons de plus précis, avec les moyens dont nous disposons en 2003.