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Les histoires de Jacques -1-
Le père Godard, moniteur à Saint-Cyr dans les années
50. © J. Dassié
On lui colla sur la tête un vieux serre-tête qui avait dû faire la guerre de 14 et sentait le lapin moisi ainsi qu'une paire de lunettes de motard allemand (dommages de guerre...). Il était muni d'une oreillette en caoutchouc d'où sortait un bout de tube métallique… Après l'escalade du biplan, assortie de beaucoup de recommandations : "attention, ne mettez pas les pieds là, c'est de la toile et c'est fragile ! ", il fut assis dans un baquet à fond de bois fort inconfortable et ficelé avec plein de sangles que l'on allait chercher partout, même entre ses jambes. Avec les sangles, le pilote récupéra un vieux tuyau à gaz, tout fissuré, un NF hors d'âge... et le brancha sur l'embout métallique du serre-tête…"Vous êtes bien, ça va ?", cria-t-il dans une espèce d'entonnoir qu'il avait devant lui, comme chez le dentiste. Bien, tu parles !
"Ne bougez plus, on va mettre en route". Comment voulait-il que je bouge, amarré comme je l'étais. "Personne devant", - mais pourquoi diable hurlait-il comme ça ? Serait-il sourd ? - Contact. Tirant sur une grosse manette, on entendit des borborygmes curieux et l'hélice, visiblement, essayait de tourner. Elle réussit enfin à passer ce qui restait d'une compression et le moteur se déchaîna d'un coup en nous noyant d'un tonnerre d'échappement libre et d'un nuage de fumée bleue. Après forces pétarades, il se stabilisa et fini par ronronner à peu près correctement.
Après
un petit moment de chauffe, "On y va", clama l'homme du siège avant,
dans son crachoir et par voie de conséquence, dans mon oreille gauche,
me faisant sursauter…Cahin-caha, se dandinant comme un canard, l'avion
commença à brinquebaler vers une extrémité du terrain, puis, en
bloquant une roue, s'aligna dans l'axe, juste vers le lac. Le tonnerre
du moteur se déchaîna à nouveau et les secousses sur ce terrain herbeux
et bosselé prirent une ampleur certaine, nous sautions de taupinière en
taupinière... Du véritable tout-terrain.
Et puis, d'un seul coup, tout s'est calmé. Nous flottions sur le
velours d'un coussin d'air. Nous volions ! Le Stampe de 140 CV venait
de décoller…
Comment devenir pilote ? Devenir pilote n'est pas si difficile que cela !
Challes-les-Eaux. Stage d'instructeur. Quand il faut y aller, il faut y aller... © J. Dassié Une seule action à faire. Choisir un terrain d'aviation sympathique et un aéroclub dans lequel vous vous sentiez bien à l'aise, presque comme chez vous ! S'y inscrire après passage d'une visite médicale et y être assidu ! Tout le monde peut piloter s'il accepte de prendre l'engagement moral (vis à vis de lui-même) d'aller passer une demi journée au club, chaque semaine. Et au bout de un an, en moyenne, ça y est : on est pilote ! Au début, quand on apprend à piloter, arriver à cinquante heures de vol, cela semble le bout du monde ! Et puis, on se perfectionne, on progresse, on mûrit... On a ses périodes voltige, ou enseignement, ou voyages... Voire pour certains, la construction d'amateur ou le professionalisme... Les années passent, sans que l'on ne s'en rende compte, et soudain on réalise qu'il y a beaucoup de choses que les nouvelles générations n'ont pas connu et paraîssent avoir plaisir à vous entendre les raconter... Ah, ces discussions au club-house... Et puis un jour, toujours en douceur, on s'aperçoit que l'on est devenu le doyen des pilotes actifs du club... Un sacré coup que l'on prend, ce jours-là ! Une vie d'aviation s'est déroulée sans presque que l'on y prenne garde... Alors ces histoires, ces tranches de vie toujours authentiques, on ne voudrait pas qu'elles se perdent complètement, on voudrait pouvoir les sauvegarder avant qu'elles ne s'effacent...
On essaie une première publication
timide sur un forum d'aviation familier : fr.rec.aviation. L'accueil
est bon, très favorable même. Certains réclament "une autre
histoire..". Pourquoi pas ? "Les histoires de Jacques" sont nées comme
cela, lorsque le forum nous a fait l'honneur d'en publier quelques unes
dans sa FAQ, sous cette appellation.
C'est ainsi qu'au fil des mois, l'évocation des souvenirs en fait ressurgir d'autres et d'autres encore et que le nombre de ces histoires vraies s'accroît... Il atteint maintenant une dizaine pour la partie aéronautique et l'on se dit qu'au fond, cela pourrait constituer un chapitre original dans un site Internet. Il suffirait de remplacer les termes un peu spécifiques ou argotiques pour le rendre très accessible. Et puis, sur Internet, il est possible d'illustrer ces textes et c'est une nouvelle chasse aux documents photographiques qui commence, avec encore toute la chaleur des souvenirs déclenchés et restitués par l'image ! Ajoutez à cela une vie d'ingénieur électronicien, avec le monde comme domaine d'application et plus d'une centaines de missions internationales, truffées d'incidents, et voila la matière et l'origine des "Histoires de Jacques"...
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