Les histoires de Jacques. -3-
La
Baraka...
Attention, histoires parfois drôles, dramatiques, surprenantes, mais toujours vraies, parfaitement authentiques...
Dans la vie, je crois que nous disposons tous, au départ, d’un certain capital de chance. Mais il est probablement inégal selon les individus. Les faits ci-après témoignent que, pour beaucoup d’entre eux, seuls le hasard, la chance, la bonne étoile ou la Providence (selon convictions...) ont pu jouer.
1949
La 2ème Région aérienne, cour
des Petites Ecuries, sur la Place d'Armes, à Versailles.
Bidasse, en treilli et croquenauds cloutés ! Temps pluvieux et les
pavés royaux noyés dans la boue... Nous devions installer
et mettre en service une remorque de télécommunications anglaise,
de marque "Commer". Un des participant a branché la remorque
au secteur et l'a activée sans avoir vérifié si la
prise de terre était correcte et bien raccordée. Au même
moment, j'avais besoin de monter à bord et, les pieds dans l'eau,
j'empoignais le montant de cuivre (façon SNCF) qui encadrait la porte...
J'ai le souvenir d'être par terre, en train de gigoter frénétiquement,
la main gauche (celle du coeur) tétanisée sur cette foutue
barre que je ne pouvais lacher... Je me suis réveillé à
l'infirmerie, assez choqué, mais indemne... Oui, je sais, les mauvaises
langues...
1949 Sur le terrain d’aviation de Saint-Cyr-l’Ecole, près de Versailles, au moment de monter sur un Stampe, le F-BCVJ, un autre pilote, M. Dewitt, consul de Hollande à Paris, s’apprêtait à faire de même. Après échange de politesses, je lui cède mon tour. Peu après son décollage, une collision en vol survient, du fait d’un autre appareil. Un mort, et pour M. Dewitt, un an d’hospitalisation. C’est à la suite de cet accident que j’ai été amené à témoigner pour l’Aéroport de Paris et à être souvent reçu par Maurice Bellonte, président de la commission d'enquête (COSTE et BELLONTE, traversée de l’atlantique, dans le sens France-USA, le 31 Août 1930... Epopée inimaginable quand on sait que leur Bréguet XIX emportait presque le double de son poids à vide, en carburant !). J'étais donc témoin officiel et mes photos aériennes ont pu démontrer que les installations de l'aéroport de Saint-Cyr étaient parfaitement en règle, dégageant ainsi la responsabilité de l'Aéroport de Paris.
Le
Stampe
|
Jodel-Robin
DR 400-180
|
1960
En vol sur un Jodel D 117, vers 2000 m d’altitude,
l’hiver (entraînement d'un élève en radio-navigation).
Il faisait -10 degrés à l’extérieur. Rupture brutale
de la verrière dont la structure métallique bat sur le dos
du fuselage, risquant de se décrocher et de déchirer la dérive.
Tout s’envole à bord et nous sommes gelés ! Je réussis
à rentrer tout doucement à Saint-Cyr et à me poser
sans casse sur la piste libérée par le contrôle.
1961 Panne de moteur au décollage, à Saint-Cyr, sur un Jodel D 117. Hélice en croix vers 30 m de hauteur. Je réussis à poser l’appareil sans casse, en évitant route, ligne haute tension et voie de chemin de fer qui me barraient l’horizon ! Robinet d’essence fermé. Actions vitales faites machinalement. Faute personnelle, une sacrée leçon !.
1963 Sur un Ryan " Navion", en région parisienne, vers 2000 m d’altitude : vibrations brutales menaçant d’arracher le moteur de son bâti. Moteur coupé, je réussis à rejoindre la verticale Saint-Cyr, puis celle de Guyancourt, avant d'atteindre Toussus-le-Noble en vol plané et à me poser sans problème sur une piste libérée par le contrôle (Rupture de butée de pale d’hélice à pas variable).
1963 Sur
le même "Navion", retour du Maroc avec escale à Valence. La météo,
assez peu explicite, me donne un vent favorable sur l'ensemble du trajet vers
Barcelone. Au bout d'une petite heure, je doutais sérieusement du vent
réel, d'autant plus que la visibilité s'effondrait et que nous
étions de plus en plus secoués... Je commençais à
regarder quel terrain de dégagement je pouvais attraper. Hélas,
il n'y avait que Reus, un terrain militaire. Et à cette époque-là,
les militaires espagnols ne plaisantaient pas. Je décidais de poursuivre
jusqu'à Barcelone. Côté carburant, pas d'inquiétude,
mais côté visibilité...Le ciel devenait noir et j'avais
allumé les feux de bord. Je m'estimais à une quinzaine de minutes
de Barcelone quand la pluie s'est mise à tomber... Mon obsession était
de ne jamais aller côté terre en raison du relief. J'avais maintenant
Barcelone en contact gonio. Arrivé en vue des lumières de la
ville, je m'éloignais vers l'est pour me rapprocher au bon axe. Je
devais être à peine à cent cinquante pieds au dessus de
la mer dont on voyait les crêtes blanches... Enfin, je me suis annoncé
piste en vue pour corriger presque aussitôt en apercevant des feux rouges
des voitures : c'était une autoroute... Retour vers la mer, re-alignement,
c'était le bon, cette fois. Hydraulique en pression, train sortit,
trois vertes, manifold pressure, les phares, vérifications : oui, c'est
bien la piste et c'est la bonne, le trapèze s'élargit correctement,
on est un peu vite, mais avec ce temps-là... Décrabage, aile
au vent, une roue touche, puis l'autre et je me dépêche de poser
la roulette de nez. Posé sans trop de difficultés malgré
les rafales, car l'avion était lourd.
Au parking, au pied de la tour,
nous avons attendu plus d'un quart d'heure avant d'ouvrir le cockpit tellement
la pluie était devenue forte. Une prévision nettement foireuse, un demi-tour qui aurait dû être fait à temps, il n'en fallait
pas plus pour frôler la catastrophe.
Le
Ryan "Navion", 188 CV. Bon avion américain.
|
Le
Navion à San Sebastian, il pleuvait...
|
1963 Un Toussus-Pons en Navion, avec ma chère et tendre... Soudain mon épouse frissonne et je remarque qu'il faisait très froid, en plein mois d'Août ! Et puis la visibilité, insidieusement, ce n'était plus ça, mais plus ça du tout... Je lui demande de se "débreller" et de passer derrière fermer la trappe de ventilation. Sitôt dit, sitôt fait et au même moment je rentre dans un cirque infernal, tout dansait, je n'y voyais plus rien, ça s'était pris devant mais aussi derrière et ma chère et tendre oscillait entre banquette arrière et plafond, et pas doucement... Trop occupé pour l'aider, certain qu'il n'y avait pas de montagnes en-dessous, j'essaie de redescendre pour retrouver un peu de visi : tout réduit, on sort tout ce qui voulait sortir. J'étais même décidé à me poser en campagne, malgré les aléas que cela comporte, pour échapper à ces turbulences furieuses... Mais la chance fait que quand je retrouve un peu de visibilité, je suis à quelques centaines de pieds à la verticale d'une piste que je connais, Poitiers-Biard. Liberté de manoeuvre, me donne la tour... Au sol, ouf, sacré soulagement... Le météo est assez dubitatif et ne sait pas trop quoi me dire... La tendance générale : oui, locale, non ! Puis il se lève et va regarder par la fenêtre. Il revient avec un bon sourire :"Le berger n'a pas rentré ses moutons, ce n'est rien, ça ne va pas durer..." Et c'est bien ce qui s'est passé !
J. Dassié sur le DR 300 de Pons CM. Un délicieux terrain sur lequel il fait encore bon vivre, avec son aéroclub de Pons-Avy. |
On enfile la Mae-West avant le départ pour Bastia (Corse), avec le Cessna 172 avec lequel nous faisions le Tour d'Europe, son propriétaire-élève-ami et moi. |
1982 Au Brésil, dans l’état de Santa-Catarina, au sommet d’une montagne : le Morro da Igreja. J’étudiais l’emplacement d’une future station radar quand le temps s’est rapidement dégradé. Dans mes instruments, je voyais REMONTER des paquets de grêlons... Je me sentais mal, très oppressé et j’ai été soudainement pris d’une espèce de panique : je me suis mis à crier, entraînant mes compagnons (deux officiers de l'AA Brésilienne) dans une course folle vers le bas. Nous avions à peine parcouru deux cents mètres quand la foudre a vitrifié le sommet du rocher sur lequel nous nous tenions. On y est remonté le lendemain pour vérifier. Quelle trouille rétrospective !
1989
Séance d’initiation aux ULM sur un
petit terrain régional. Devant le manque d’appareillage de bord (pas
même d’indicateur de vitesse), je me dégonfle et renonce à
essayer cet engin. Le vol suivant, cet appareil s’écrase : 1 mort,
1 grièvement blessé.
Conclusions : chacun
d'entre nous naît avec une certaine potentialité de réussite,
de succès, de bonheur, de fortune, voire de simple veine. Mais la
répartition n'en est pas homogène. C'est même la loterie
de la grande inégalité !
Ne tentons pas trop la chance, car on ne sait jamais ce qui reste du capital
initial...