De l'importance évocatrice des objet... Rangeant de vieux étuis à
lunette, je trouvais dans l'un d'entre-eux une de ces suédines, un
tissu chamoisé de nettoyage, qui fit remonter des flots de souvenirs...
Un jour, mon directeur (Jacques Catala, Thomson Bagneux) me dit :
"Dassié, problème à notre délégation de Rio, soyez-y
le plus tôt
possible et débrouillez-moi ça ! (ce n'est peut-être pas le terme
exactement employé, mais la signification en était identique...).
Prenez votre temps, mais demain matin, ce ne
serait pas mal !"
Un peu surpris,
mais très heureux (c'était mon premier
voyage au Brésil), je fonce régler les formalités (oui, pour les
passeport, vaccinations et visas majeurs, j'étais toujours paré pour le
monde entier). La valise (toujours prête, elle aussi )et le soir même,
j'étais dans un 747 d'Air-France. Et en first, s'il vous plaît, les
délais courts ne permettant pas toujours de trouver une place en classe
affaire.
Le lendemain matin, lever de soleil vers Bahia de
Todos Santos…
et peu après débarquement à Rio-Galeo. Echelle de coupée, ouverture des
portes, le coup d'œil panoramique avant de commencer à descendre...
Copacabana, me voici… et
je me patafiole, je rate la dernière
marche !
En me penchant en avant pour me rattraper, mes lunettes à triple foyer
(assez lourdes) suivent l'incitation de la gravité… Et en toute
logique, mon pied se pose sur elles, m'évitant ainsi une chute ridicule
devant la pleine coupée... Juste le petit bruit discret de verres qui
s'émiettent et que j'étais seul à percevoir !
Oui, mais se retrouver à Rio, dans l'incapacité de
lire le moindre
document, avec au programmes des réunions et discussions avec
différentes Administrations, je ne me voyais pas à mon aise. Décision :
taxi (qui ne parle pas anglais, bien sûr !). Je simule au chauffeur une
paire de bésicles sur mon nez et nous voila partis (vent du cul) vers
le centre ville. Il se gare dans une rue adjacente à une grande avenue
(rua de Buenos-Aires, je m'en souviens) devant une petite boutique :
Ótica Thiessen !
Dans les
rues de Rio...
Bon,
me dis-je, on va toujours voir ! Le spécialiste en blouse blanche
sourit mais ne parle pas anglais. En lui sortant des bouts de verre de
ma poche, il comprend. Oui, mais il en manque un morceau, le milieu
justement ! Je lui symbolise sous le nez le fonctionnement des plateaux
d'une Roberval et il a l'air de comprendre… Il va faire quelque chose
de médian entre le haut et le bas !
Où ça se gâte, c'est
quand il me montre sur un calendrier une
date, une semaine plus tard… Je conteste et je lui montre quatre doigts
qu'il finit par traduire par quatre jours… Ça se regâte et c'est sur le
cadran de ma montre que je lui fait voir qu'il me les faut dans quatre
HEURES…
Négation formelle.
J'ouvre mon portefeuille et lui fait voir
un paquet de travelers-checks tout neufs et sentant bon l'encre
d'imprimerie fraîche… Un petit quart d'heure après, nous nous quittions
en nous serrant la main, avec un rendez-vous ferme vers 14 heures ! Je
crois que c'était un homme très droit, qui a seulement compris
l'importance que son travail avait pour moi et qui a tenu parole en me
faisant, à un prix très honnête, une des meilleures paires de lunettes
que j'ai jamais eu.
Deux ans plus tard : "Dassié, problème à…", vous connaissez la suite…
Et le lendemain matin, à Rio, je redescend la passerelle… sans manquer
la dernière marche !
(Je vous ai eu, là !). Taxi, et je me fais conduire chez Thiessen…
J'étais tellement satisfait de ces lunettes que j'en voulais une
seconde paire, en secours. Le gars me reconnais, on se congratule,
puis, c'est lui qui me montre quatre doigts et me fait comprendre "Oui,
quatre heures, je sais". Et j'ai eu ma seconde paire…
C'était une toute petite
histoire, innocente, mais
parfaitement authentique !
Fin de l'histoire en 2008
>Une
hôtesse
de l'air, ayant
lu cette
histoire, a eu la curiosité d'aller voir la Rua de Buenos-Aires...
Il n'y a plus de boutique Thiessen...